Droit de préemption des salariés

Proposition de loi n°4952 - 25 janvier 2022

La présente proposition de loi vise à créer un droit de préemption des salariés en cas de cession d’entreprise.

La loi n° 2014‑856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, dite « Hamon » prévoit, entre autres choses, un dispositif d’information à destination des salariés sur les possibilités de reprise de la société lorsqu’elle n’excède pas 250 salariés. Cette information porte, notamment, sur les conditions de reprise, les obligations juridiques, les aides disponibles et les orientations générales de l’entreprise.

Ce droit d’information est indispensable puisqu’il constitue le préalable à toute reprise d’entreprise. Toutefois, il n’est pas suffisant, et les salariés doivent être plus largement accompagnés, notamment par l’ouverture d’un nouveau droit de préemption consacré dans le code du commerce.

Selon la BPI‑France, 50 877 cessions‑transmissions auraient eu lieu en 2016, concernant 770 000 salariés. Aussi, 855 000 salariés (PME et ETI confondues) auraient pour dirigeant des individus âgés de 65 ans ou plus. En 2018, l’INSEE indiquait que « 34 800 entreprises sont susceptibles d’être transmises au cours des prochaines années suite au départ à la retraite de leur dirigeant ». Pour la moitié d’entre elles, la question de la cession se poserait dans un avenir très proche puisque leur dirigeant serait âgé de 60 ans ou plus.

L’INSEE estime qu’un tiers des transmissions ne seraient pas réussies. En effet, ce type de projet nécessite une préparation, parfois des années en amont. De plus, un certain nombre d’entreprises ne trouveraient pas de repreneurs. Dans certains cas, trop nombreux, les rachats se soldent par des restructurations et des licenciements.

L’enjeu de la transmission et des reprises d’entreprise est majeur, pour le développement économique, l’emploi et l’attractivité des territoires. En sus de ces aspects, la reprise concerne également la préservation du savoir‑faire et du tissu social local. En somme, si l’enjeu économique est essentiel, l’argument culturel l’est aussi.

Toutefois, les salariés sont trop souvent éloignés des dispositifs de reprise alors qu’ils devraient y être davantage associés. Ils connaissent l’entreprise et l’outil de production, et sont conscients des améliorations à envisager, des difficultés à surmonter.

La forme économique la plus appropriée est la société coopérative (SCOP), et ce pour plusieurs raisons.

  1. Premièrement, la pérennité des entreprises coopératives est plus importante (77 % contre 65 % pour l’ensemble des entreprises).
  2. Deuxièmement, c’est une garantie supplémentaire quant au maintien de l’emploi sur le territoire. Les salariés‑coopérateurs n’ont pas d’intérêt à délocaliser les activités.

 

Plus largement, les sociétés coopératives tendent à raffermir la participation, l’égalité, et l’éducation populaire.

 

Cette proposition s’inspire de ce qui existe déjà, notamment en matière de logement. Lorsqu’un propriétaire prévoit la vente d’un bien, il en avise le locataire qui dispose de la priorité sur tout autre éventuel acquéreur. Cette priorité vaut également pour le locataire titulaire d’un bail commercial ou artisanal, ou l’exploitant d’un bien agricole. Tout projet de cession constitue de ce fait une offre de vente pour le locataire.

En cela, cette proposition de loi ne constitue pas une entrave à la liberté d’entreprendre ni au droit de propriété inscrit dans la Constitution.

La préemption diffère fondamentalement de l’expropriation : le vendeur se trouve seulement et exclusivement dépourvu de sa liberté quant au choix de l’acheteur. Cette limitation est donc réduite ; le Conseil constitutionnel admet qu’il puisse en être ainsi concernant le droit de disposer librement de ses biens « Il est loisible au législateur d’apporter aux conditions d’exercice du droit de propriété des personnes privées, protégé par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, et à la liberté contractuelle, qui découle de son article 4, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi . »

 

Notre proposition de loi confère un droit nouveau, tout en fournissant les conditions de réalisation par le biais de plusieurs dispositifs d’accompagnements et d’aides à la préparation d’un projet de reprise.

 

L’article 1er vise à créer un droit de préemption des salariés dans les entreprises employant jusqu’à 249 salariés. Concrètement, quand un employeur trouve un acquéreur, il doit en informer les salariés et expliciter le prix et les conditions de vente. Durant les quatre mois, les salariés pourraient se substituer au nouvel acquéreur à condition de formuler une volonté de reprise, conformément aux modalités prévues par le contrat précédemment convenu entre les parties.

L’article 2 prévoit d’améliorer le droit d’information des salariés, en garantissant une heure d’information syndicale par mois. L’accès et l’examen des données économiques et sociales de l’entreprise seraient autorisés.

L’article 3 vise à étendre le droit de préemption des salariés aux entreprises de plus de 1 000 salariés. La « loi Florange » du 24 mars 2014 prévoit l’obligation de recherche d’un repreneur, d’en informer les salariés, lorsque le propriétaire d’une entreprise souhaite fermer un site et procéder à un licenciement collectif. Nous souhaitons que le Comité social et économique puisse se constituer en repreneur.

L’article 4 vise à interdire les licenciements économiques pour les entreprises qui dégageraient des dividendes. Cette mesure supplémentaire entend lutter contre les fermetures de site et encourager la reprise par les salariés : tout vendeur d’une entreprise rentable serait contraint de céder son entreprise s’il souhaite s’en libérer, en priorité aux salariés, s’ils présentent un projet viable.

 

 

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